Les résultats 2021 sont tombés et comme on pouvait s’y attendre, ils ne sont pas bons.
La perte nette du groupe se monte à 3,294 milliards d’euros ce qui correspond à un déficit journalier de 12,5 millions d’euros par jour ou de 521.000 euros chaque heure. Certes, on constate une très forte amélioration par rapport à l’année précédente qui avait enregistrée une perte historique de plus de 7 milliards d’euros. Bien entendu l’absence de coordination des Etats au cours de la pandémie est la cause essentielle des difficultés du groupe. Les gouvernements conscients à la fois de leur propre responsabilité et de la nécessite de garder leur transporteur national en vie, ont largement mis la main à la poche. C’était le moins qu’ils puissent faire. Leur effort a été considérable avec plus de 10 milliards d’aides cumulées entre les états français et néerlandais. Cela représente quant même 126.000 euros par salarié du groupe, sans compter les facilités liées au chômage partiel. Le gouvernement a réaffirmé son soutien à la compagnie Et maintenant comment se sortir de cette difficile situation ? Petit à petit l’horizon s’éclaircit. La pandémie est en passe d’être jugulée, les frontières se réouvrent et les clients sont toujours aussi avides de voyager. Comme l’outil opérationnel n’a pas trop souffert, et il faut tout de même rendre hommage aux dirigeants pour cela, le trafic pourra repartir rapidement. D’ores et déjà l’ouverture des Etats Unis en octobre 2021 s’est faite immédiatement ressentir sur les comptes du groupe. Le dernier trimestre a même dégagé une marge d’exploitation supérieure à celle enregistrée pour la période équivalente d’avant Covid. Et puis l’Etat français a transformé un prêt en augmentation de capital ce qui lui vaut de représenter maintenant plus de 28% du capital alors que les Pays Bas ont régressé de 14% à 9%. Enfin et ce fait est également à noter, le Ministre de l’Economie et des Finances, a récemment réaffirmé la décision du gouvernement français de soutenir sa compagnie aérienne, presque « quoi qu’il en coûte », pourrait-on dire. Air France - KLM : quid de la reconstitution des fonds propres ? Mais la situation reste pour autant très délicate. La situation du groupe est fragile non pas depuis le début de la pandémie mais au moins depuis 2009. Cela fait maintenant 12 ans. Depuis cette année-là, le groupe a cumulé une perte de plus de 15 milliards d’euros. Certes les deux derniers exercices ont à eux seuls ajouté 10 milliards à la perte de plus de 5 milliards cumulée entre 2009 et 2019. Pour préserver son rang, il a fallu emprunter massivement et le coût de la dette devient problématique. A la lecture des comptes 2021, il ressort à 728 millions d’euros contre 496 l’année précédente. La dette nette a bien été diminuée passant de 11,049 milliards d’euros à 8,216 milliards suite à l’augmentation de capital et à la levée d’obligations perpétuelles qu’il faudra tout de même financer, mais le boulet reste très lourd à trainer. Il représente près de 110.000 euros par salarié. Et cette charge est prévue d’augmenter très sérieusement au cours des prochaines années. Pour tout dire je ne voudrais pas être à la place des dirigeants. Ils sont devant un obstacle considérable, celui de la reconstitution des capitaux propres. Ceux-ci sont négatifs de 3,816 milliards. Or un transporteur doit obligatoirement avoir des fonds propres positifs sauf à perdre son CTA (Certificat de Transport Aérien) ce qui l’amènerait à un arrêt brutal d’exploitation. Le groupe a jusqu’à 2023 pour les rendre positifs. KLM, Transavia... : vers une vente d'actifs ? La butée est très proche et les résultats attendus au titre de 2022 ne permettront certainement pas de les reconstituer. Alors il restera uniquement deux solutions : augmenter le capital ou le montant des obligations perpétuelles lesquelles sont analysées comme des quasi fonds propres, ou se désendetter par la vente massive d’actifs. Qui pourrait souscrire à une augmentation de capital si ce n’est l’Etat français ? Mais cela lui fera passer la barre des 30% et il sera alors conduit à nationaliser Air France-KLM. Il n’est pas certain qu’il le veuille, ni que les autorités européennes donnent leur accord, ni même que la partie néerlandaise y souscrive. Dans tous les cas, cela prendra du temps d’autant plus que la situation électorale en France est telle que rien ne peut bouger avant fin juin, au moment ou la nouvelle assemblée sera constituée et le nouveau gouvernement stabilisé. Reste le désendettement par la vente d’actifs. Au fond le groupe Air France-KLM est encore très riche. La mise sur le marché de KLM, de Transavia Hollande et de Transavia France doit représenter un montant considérable, probablement entre 5 et 7 milliards d’euros sans compter Air France Industrie. Dans cette hypothèse, Air France resterait seule avec son produit historique. On se retrouverait dans la configuration des années 1990, avec cependant la capacité de garder les accords opérationnels avec KLM. Ce type de chirurgie lourde a sauvé en son tems British Airways et lui a permis de rebondir.
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Jean-Louis BarouxJean-Louis Baroux est le fondateur du premier réseau mondial de représentations de compagnies aériennes, présent dans 170 pays. Il est également le créateur et l’animateur de l'APG World Connect. Archives
Juin 2022
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