Une constante : l’écologie
Quoiqu’en disent ses détracteurs, le secteur aéronautique est totalement impliqué dans la recherche de la neutralité carbone. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Dès le début des années 2000, Giovanni Bisignani, alors directeur général de IATA, avait fixé comme objectif au transport aérien la neutralité carbone en 2050. Les recherches n’ont pas cessé et elles se sont même accentuées. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’avec une croissance moyenne de 5% par an depuis 2000, soit une multiplication du trafic par 2,5 en 20 ans, la part des émissions ait constamment diminué pour de positionner aux alentours de 2,5%. Il n’y a d’ailleurs rien de mystérieux à cette évolution. L’écologie est très rentable pour le transport aérien. Moins il consomme et plus il est profitable. C’est d’ailleurs un des facteurs qui a permis la baisse constante des tarifs, même si celle-ci est devenue excessive. Voilà une première certitude : l’excellence en matière environnementale sera la priorité des années à venir. Un problème : les affichages tarifaires Les compagnies aériennes ont décidément beaucoup de mal à revenir sur leurs mauvaises habitudes qui consistent à privilégier les volumes de passagers à la rentabilité des entreprises. Mieux-même, elles ont lié les objectifs de prospérité au taux d’occupation des appareils. La hantise du siège vide, voilà ce qui conduit les stratégies commerciales des transporteurs. C’est ainsi que les campagnes publicitaires n’ont pour but que de mettre en avant des niveaux tarifaires dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne couvrent pas les coûts. Alors qu’on aurait pu penser que l’arrêt forcé des exploitations ait conduit les dirigeants à revoir leur modèle de communication pour mettre en avant les aspects confort, sécurité, environnement, bref ce qui est dans l’air du temps, on ne voit pour le moment que des annonces tarifaires dites promotionnelles. Quand donc les transporteurs décideront-ils de communiquer sur ce qui fait les vraies valeurs du transport aérien et pas sur ce qui détruit sa perception dans le public ? Une certitude : la croissance va revenir Certes les flux aéronautiques vont changer. Dans les pays les plus développés les dessertes par voie terrestre vont gagner une part de marché conséquente sur l’aérien. C’est en particulier le cas en Europe où les distances sont courtes et les équipements au sol importants. Mais ce n’est certainement pas une situation générale dans le monde. Dans la plupart des pays, le transport aérien restera indispensable pour des raisons multiples : grandes distances, infrastructures au sol déficientes et contraintes de sécurité. Et puis il restera tous les vols long-courriers pour lesquels il n’existe aucune alternative à l’avion. On entend ici et là que le trafic « affaires » sera progressivement remplacé par des visio-conférences. Je n’en crois rien pour au moins deux raisons : d’abord s’il est possible de préparer un contrat ou de donner des directives à des équipes éloignées, rien ne remplacera le contact direct pour finaliser les transactions. Et puis n’oublions pas que les déplacements en classes affaires ou prémium rapportent beaucoup de miles et que ces FFP (Frequent Flyers Programs) sont très appréciés par les voyageurs professionnels, pour des raisons familiales. La marche en avant va reprendre dès que la totalité des frontières seront réouvertes,, et elle sera solide. Une nouveauté : les eVTOLS C’est un vieux rêve, celui du tapis volant d’Aladin. Il est en passe de devenir réalité. Les nouveaux taxis volants à propulsion électrique sont en cours d’expérimentation. Même les grands constructeurs s’y intéressent. Il ne fait aucun doute que leur fiabilité sera suffisante pour assurer la sécurité à laquelle le transport aérien est si attaché. Reste qu’il faudra intégrer ces nouveaux objets volants dans les espacés aériens urbains, et ce ne sera pas une mince affaire. Gageons néanmoins que l’on verra les premières dessertes régulières avant la fin de la décennie. Le transport aérien n’est pas mort, loin s’en faut, même si cela déplait à certains tenants de la décroissance. Et c’est très bien pour la planète. Faire remonter les tarifs. Voilà un objectif vers lequel tendent non seulement toutes les compagnies mais également tous les acteurs de la chaîne du transport aérien au premier rang desquels les aéroports. Il faut se refaire une santé après les deux années terribles vécues par le secteur. D’ailleurs, se profilent d’autres enjeux écologiques qu’il faudra bien résoudre à affronter et cela ne pourra se faire que par des recherches certainement coûteuses. Comment les financer ?
On peut toujours se tourner vers les gouvernements et leur demander les moyens économiques dont aura besoin le transport aérien. Il est fort douteux que dans l’époque actuelle, largement livrée au « bashing aérien», ils prêtent une oreille attentive à ce genre de sollicitations. Il faut donc trouver à l’intérieur de cette activité les ressources nécessaires à la fois pour regagner l’équilibre financier de tout le secteur, mais également pour financer les investissements nécessaires et ils seront sans doute colossaux. Inverser la tendance A partir de ce constat, quel modèle adopter pour entrer dans une spirale vertueuse qui permettra de répondre aux formidables défis qui attendent cette activité ? S’il est impossible de faire appel aux finances publiques, il faudra bien se résoudre à traiter cette question à l’intérieur même du transport aérien. Certes, celui-ci a fait d’énormes efforts pour se rationnaliser, ne serait-ce que pour survivre aux effets de la pandémie. Cela ne suffira certainement pas. Il faudra bien se résoudre à renverser la baisse tarifaire constante depuis un quart de siècle au moins. Elle a été d’ailleurs très utile pour populariser le transport aérien et promouvoir les échanges entre les populations dont personne ne peut douter de leur intérêt pour maintenir la paix entre les peuples. Mais il semble bien que l’on ait atteint le point le plus bas de la courbe en utilisant tous les artifices dont les transporteurs pouvaient disposer. Car, qu’on le veuille ou non, ce sont bien les opérateurs qui sont responsables des tarifs mis sur les marchés. Alors ils se sont acharnés à gagner des volumes de passagers de plus en plus considérables et, pour cela, de chercher les moyens d’afficher les tarifs les plus attractifs, même si ces derniers n’ont souvent aucun sens économique. Poussées par les compagnies « low costs » bâties à partir d’une feuille blanche, c’est-à-dire sans la contrainte du passé, et par conséquent capables d’équilibrer leurs charges avec des recettes moindres et des modèles nouveaux, les compagnies traditionnelles se sont lancées dans une course aux artifices pour mettre sur le marché des tarifs au moins comparables. Pour ce faire, elles ont utilisé deux moyens essentiels : le « yield management » qui permet d’afficher n’importe quel prix à n’importe quel moment et l’arrêt des commissions aux distributeurs, en clair les agents de voyages. Le résultat est incontournable, les prix ont été tirés vers le bas par les distributeurs lesquels ont à leur disposition des comparateurs tarifaires performants, alimentés d’ailleurs par les transporteurs. Dès lors, ils ne permettent plus d’obtenir une rentabilité raisonnable pour un secteur très demandeur de capitaux. Pour un retour aux commissions aux agences La solution réside dans deux mesures finalement pas si difficiles à prendre. D’abord arrêter cette folie de multiplications tarifaires qui ont conduit à déconnecter le produit de son prix de vente, à l’inverse de tout ce qui se pratique dans la plupart des secteurs d’activité. De très nombreux tarifs ne servent qu’à obtenir un effet d’annonce destiné à attirer les clients afin de leur vendre au prix fort les services annexes. Et puis il faudra bien que les compagnies se décident à revenir à la commission pour les agents de voyages. Certes il n’est pas question de les rémunérer sur les bas tarifs, mais il serait plus qu’utile, je dirais même vertueux de le faire pour les prix les plus élevés. Tout le monde peut comprendre que si les agents de voyages retrouvaient une commission de l’ordre de 7% sur les tarifs affaires, prémiums ou plein tarifs économique, ils auraient tendance à les proposer, et même à les promouvoir, auprès de leurs clients, alors que pour le moment ils font l’inverse, car ils doivent appliquer des frais de dossiers qui seuls leur permettent d’équilibrer leurs comptes. Quoiqu’elles en pensent, et même avec les outils informatiques actuels, les compagnies aériennes doivent accepter le fait que 70% des clients sont ceux des agents de voyages et ces derniers peuvent grandement les orienter pour leurs achats. C’est par la conjonction des actions de tous les acteurs de la production et de la distribution du transport aérien que l’on arrivera à la nécessaire remontée des tarifs… en douceur. |
Jean-Louis BarouxJean-Louis Baroux est le fondateur du premier réseau mondial de représentations de compagnies aériennes, présent dans 170 pays. Il est également le créateur et l’animateur de l'APG World Connect. Archives
Juin 2022
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